L’émission « La grande librairie » nous a donné hier à voir une grande déclaration d’amour habillé de raison. L’amoureux était Michel Onfray, brillant philosophe, l’objet d’amour Camus, romancier prodigieux.
Tout était donc réuni pour que ce fut la fête aux idées. Hélas…
Pour témoigner de son amour, nous eûmes, de la part d’Onfray, droit à une déclaration de haine à Sartre dans laquelle Camus semblait être l’outil de déconstruction. On pouvait pourtant penser que le lecteur avisé de « Par delà le bien et le mal » avait dépassé depuis longtemps cette vision dichotomique de la philosophie (la friction de deux silex produit l’étincelle sans qu’il soit possible d’attribuer à l’un ou l’autre des deux cailloux la responsabilité de la lumière). Sans doute mais l’affect a ce pouvoir, à l instar de la passion de déconnecter l’esprit critique, d’occire le penser contre soi, nous amputant ainsi d’une grande partie de notre raison. Nous avons tous été (serons faut être optimiste) amoureux passionnés, cet instant magique où le cerveau dépense une énergie colossale à rendre beau tout chez l’autre, même ce qui ne l’est pas. Puis vient l’amour, le néocortex cérébral reprend les commandes, et nous aimons l’autre malgré ses défauts ou à cause de ceux-ci. En ces temps de crise énergétique j’invite Michel Onfray à quitter la première phase pour rejoindre la seconde, être un penseur « écologique » en somme.
Non, Camus ne fut pas irréprochable dans son approche politique (philosophique?) de la question algérienne entre 1945 et 1958 et les torts de Sartre ne sauraient l’en dédouaner. Cela n’enlève rien à son immense talent mais démontre, monsieur Onfray, s’il en était besoin, que Camus n’est pas le dieu laïc que vous voulez nous dépeindre. Il avait une excuse il souffrait de la même maladie que vous, la passion… mais l’identification ne s’arrête pas là, n’est ce pas ?
Ps/je ne suis pas sartrien même pas philosophe.